A la découverte du patrimoine de Saint Vincent les Forts
Encore une belle journée, le 6 octobre, pour une vingtaine de membres de notre association.
Profitant de ce (trop) magnifique automne, ces quelques chanceux ont pu partir à la découverte du patrimoine architectural et historique de l’ancienne commune de Saint Vincent les Forts, avec notre ami Christian Michel, un enfant du pays féru d’histoire.
Après les retrouvailles sur « l’aire d’envol », nous voici prêts à décoller pour une petite marche sans difficulté en direction de l’est, à la rencontre du canal d’arrosage multi séculaire, à travers la forêt de sapins, vers le Clos du Dou et la frontière. La frontière ? Eh oui, car Saint Vincent fut un lieu stratégique, jouxtant le Dauphiné, et à la limite du comté de Provence et de la Savoie jusqu’en 1713, avec tous les inconvénients découlant de mauvaises relations internationales au fil de l’histoire.
Nous atteignons ce point de frontière avec la Savoie qui est aussi un magnifique point de vue panoramique sur la porte de l’Ubaye. Face à nous se déploie le massif de Morgon, les alpages de la Gourette, nous sommes au-dessus du fameux ravin du Pas de la Tour. Ici commence la commune du Lauzet. D’ailleurs St Vincent fut appelé St Vincent du Lauzet de 1880 à 1923, devenant Saint Vincent les Forts, puis en 2017 Ubaye-Serre-Ponçon.
Outre les difficultés financières causées par les troubles de guerre ou les politiques nationales, nous découvrons aussi les relations compliquées entre ces deux communautés locales voisines de St Vincent et du Lauzet . La question des limites de propriété des pâtures, forêts et cours d’eau, vitale pour les habitants, a été débattue pendant des siècles, avec en premier lieu concerné le hameau de la Mandeisse (1). Christian nous relate ce long conflit, documenté par d’importantes archives écrites dès le 14ème siècle. Terminé par un long et couteux procès, la dernière délimitation a eu lieu en 1879. Cinq siècles de péripéties et procédures, voilà de quoi faire un prochain article !
Le retour au village se fait tout le long du « Canal de la pisse », dans la belle forêt du « Bois Noir » tapissée de mousse , pour un pique-nique confortable et convivial sur l’aire aménagée.
L’après-midi est consacré à la découverte du village et du Fort de Saint Vincent, dénommé aussi « Fort Joubert ». Nous empruntons la Rue de Launay, du nom du premier commandant de la place nommé par Louis XIV, également chef militaire de toute la vallée de l’Ubaye. L’occasion pour Christian de nous raconter le destin de ce Chevalier de l’Ordre de Saint Louis, qui restera en Ubaye jusqu’à la fin de sa vie, ainsi qu’une partie de sa descendance, sa fille y faisant souche (2).
Nous passons sous le clocher, dont les cloches rythmaient le quotidien, de même que l’horloge publique : « l’horloge du Roi », très tôt installée, notamment pour faire respecter les heures des tours d’eau d’arrosage, et régler la vie militaire. Peut-être aussi surélevé avec orgueil en 1870, pour quelque motif de concurrence ?...
Le propriétaire du fort, Éric Morellet, nous attend à l’entrée pour une visite commentée exceptionnelle ; nous allons découvrir l’histoire de cette forteresse de 1693 à nos jours, les restaurations qu’il a menées à bien, leurs difficultés, ainsi que ses projets…
Une œuvre en bronze de l’artiste sculpteur Jean Luc Vilmouth nous évoque le fort tel qu’il fut projeté à l’époque de Vauban, qui proposa son plan dans un rapport daté du jour de noël 1692. Les finances, la diplomatie internationale, les conflits successifs et surtout les changements de mode de guerre ont amené au fil des ans des bouleversements architecturaux considérables, réduisant et masquant les précédents bâtiments. Le sauvetage du fort est actuellement assuré mais la restitution d’un état primitif est une très longue affaire, nous admirons l’engagement du propriétaire et le félicitons.
A l’assaut du fort par un fameux escalier taillé pour le pas des mules, nous visitons la courtine, les galeries enterrées, percées de meurtrières, nous faisons l’écho dans l’impressionnante citerne à eau et guettons le paysage de toute part, au risque d’en avoir le vertige. Nous surplombons la tour à hourds sur le « Rocher de Guerre » et des voiles intrépides se balancent sous nos yeux.
A la descente, après une petite pause à l’église et au cimetière, il reste encore à découvrir l’histoire de la caserne au bas du fort, devenue une confortable colonie de vacances. Une histoire qui touche au cœur l’Ubaye et ses habitants, puisqu’il n’y a pas si longtemps le 157ème régiment de chasseurs alpins, le « 15/7 » de la plupart de nos appelés, y avait une base… base synonyme pour ces jeunes de longs déplacements, même à pied jusqu’à Lyon, et triste souvenir des conflits mondiaux meurtriers. Le bâtiment fut aussi la prison de Jean Giono à la Libération… Christian Michel, qui est président de l’Association des anciens résistants de la vallée de l’Ubaye familles et amis, connaît bien le sujet. Il nous plonge dans l’histoire contemporaine pour finir cette visite. C’est donc six siècles d’histoire que nous avons parcourus en ces quelques kilomètres de promenade lumineuse. Nous le remercions chaleureusement.
Pour en savoir plus sur le fort : https://sites-vauban.org/ressources/site-vauban/saint-vincent-les-forts
Et la notice des monuments historiques agrémentée de 109 photos :
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00080479
(1) Voir une évocation de la Mandeisse dans l’article :
https://www.laverq.net/actualites/une-bien-courte-vie
(2)Voir le baptême d’une petite-fille de Jacques de Launay :