Aimé Edouard COLLOMB, le récit d'une vie
Aimé Édouard COLLOMB est né le 2 décembre 1900 à Méolans, fils de Jacques Ferdinand COLLOMB et de Marie CALANDRA. Il est le dernier vivant d'une famille de dix enfants. A 15 ans il est condamné pour vol à la maison de correction d'Aniane (34).
Il est jugé par le tribunal de Barcelonnette le 9 novembre 1915 pour avoir soustrait, avec son frère Jean Émile âgé de 17 ans, deux moutons et une brebis au détriment de Pierre HONORE. Le tribunal estime que Aimé Édouard a agi sans discernement, l'acquitte mais le condamne à la maison de correction jusqu'à l'accomplissement de sa vingtième année. Jean Émile est condamné à un mois de prison. entre ces deux peines, Émile s'en est probablement mieux tiré qu’Édouard.
Édouard entre à la maison de correction d'Aniane le 20 décembre. Il mesure alors 1m41. C'est un enfant.
A son entrée, on dit de lui qu'il a un "caractère sournois et emporté, de mœurs et conduite mauvaises " mais qu'il est de "bonne moralité ". Il sait lire, écrire et calculer.
Au cours de son séjour il a acquis des notions d'histoire et de géographie et il est dit qu'il avait de l'intelligence et du goût pour le travail. Il a appris le métier de cordonnier.
Une dernière question sur sa fiche d'écrou :
Est-il sorti de l'établissement suffisamment corrigé et peut-on espérer qu'il se conduira honnêtement au dehors ? : "On l'espère "
Soyons prudent avec les commentaires laissés sur ce registre. Ce sont des formules toutes faites et pas très objectives. Il faut bien justifier "la correction" !
En 1920, sur sa fiche matricule il a grandi de 20 cm, a les cheveux noirs et les yeux gris. Il est dit menuisier.
Son parcours militaire est un peu chaotique mais il y montre beaucoup de persévérance.
Après une première tentative d'engagement en 1918 où il est ajourné pour faiblesse musculaire, il signe pour trois ans en 1920 dans le 30e bataillon de chasseurs à pied, devient caporal en 1921 puis est renvoyé dans ses foyers le 4 mars 1922.
Il se marie deux mois plus tard le 4 mai 1922 à Méolans avec Alexandrine Blanche Joséphine COLLOMB et sa première fille Marie Louise va naître le 6 octobre 1922.
Un certificat de bonne conduite lui ayant été accordé, il s'engage à nouveau pour six mois le 18 décembre 1922.
Libéré le 18 juin 1923 il obtient une nouvelle affectation le 1er mai 1929 mais le 28 juin 1934 il est réformé suite à un accident dans lequel il perd trois doigts de sa main gauche.
Entre 1920 et 1923 il fait plusieurs campagnes en Rhénanie et en Silésie.
C'est le 31 août 1932 que naît sa deuxième fille Jeannine Raymonde.
Ses filles ont dix ans d'écarts.
Dans les recensements de Méolans en 1926 il habite avec ses beaux-parents et travaille comme ouvrier chez Couttolenc à Barcelonnette.
En 1931 il est ouvrier agricole et en 1936 commerçant.
A Méolans, on se souvient de lui. Il habitait une petite maison au Villard et avait un petit atelier de menuiserie dans le village. Il y fabriquait des skis et aussi des cercueils.
Plus tard, il tient un bistrot à la Fresquière.
Après la guerre il quitte Méolans pour s'installer au Poët près de Sisteron. Il y emmène ses deux filles ainsi que le futur mari de Marie Louise, René Georges PICOLET, un lyonnais venu se réfugier dans la montagne dans une cabane au dessus des Besses sans doute pour éviter le STO. Les deux filles se marient au Poët, Marie Louise le 16 mars 1946 et Jeannine Raymonde le 25 avril 1953 avec Marius REBOUL.
Sur leur acte de naissance on trouve mention de leur décès, Marie Louise le 12 avril 2008 à Laragne (05) et Jeannine Raymonde le 12 février 2000 à Marseille.
C'est aussi au Poët qu'Édouard décède le 2 avril 1968.
Marie Louise revenait souvent au pays chez son oncle Pierre avec sa fille Francette
La maison familiale du Villard a été vendue, tout au moins la ruine qui en restait.
Albert LEBRE a bien connu Édouard et surtout ses frères et sœurs restés au pays. C'était ses voisins à Gaudeissard. Il n'y a pas eu de descendance connue de ce côté-là.
Si vous avez des liens ou de simples informations sur ces familles, merci de nous contacter.
La maison de correction d'Aniane
Texte d'Henry Friol
Bien des enfants, qui ne le méritaient guère, entendaient cette menace : « Si tu n’es pas sage, tu iras en maison de correction. » « Si tu n’es pas sage, tu iras à Aniane ! »
Après une longue histoire religieuse, puis une courte histoire industrielle qui se termine en 1843, débute une période pénitentiaire pour majeurs, puis pour mineurs à partir de 1885.
C’est en 1885 qu’ouvre tout d’abord une colonie privée qui l’année suivante devient une colonie pénitentiaire publique pour garçons. Cette colonie accueille des mineurs de 16 à 21 ans préparés aux professions industrielles urbaines : mécanique (ajustage, tournage sur métaux, serrurerie, électricité), forge et taillanderie, chaudronnerie, tôlerie, ferblanterie, plomberie, zinguerie, charronnage, ébénisterie ainsi que culture des vignes et jardinage.
Atelier d'ajustage, atelier de menuiserie, travail de scierie, boulangerie
En effet, il fallait trouver des places pour les jeunes de la colonie privée agricole de Montlobre (sur la commune de Vailhauquès 34), qui venait de fermer. Les bâtiments de l'ancienne maison centrale allaient accueillir une nouvelle colonie pénitentiaire, publique, cette fois.
Les premiers colons arrivent à Aniane le 29 juin 1885, ils sont douze. Tous sont placés en tant que non discernant, ce sont donc des jeunes acquittés. Deux viennent de Paris, deux autres de l’Hérault, tous les autres viennent de diverses régions de France. À leur arrivée, neuf ont moins de 16 ans, trois ont entre 16 et 18 ans. On peut penser que ces trois-là proviennent d’autres établissements publics ou privés. Dix d’entre eux sont placés jusqu’à 20 ans, un jusqu’à 18 ans, un autre jusqu’à 16 ans. On prévoit donc en moyenne des placements de trois à quatre ans. Les derniers pupilles de Vailhauquès les rejoindront peu après. L’établissement, placé sous la direction de M. Narret, ouvre dans un premier temps avec un atelier de bonneterie, de cartonnerie, d’ébénisterie, de sculpture sur bois. On adjoint au directeur un ingénieur des Arts et Métiers. Rapidement vont être recrutés un surveillant chef et une trentaine de surveillants. En 1889, il y a 515 colons ; d’autres ateliers sont ouverts : galoches, espadrilles, cordonnerie, tonnellerie, taillanderie. C’est seulement en 1894 que sera appliqué le système de régie directe ; jusqu’alors la colonie continuait à fonctionner avec les contrats d’entrepreneur de l’ancienne maison de force. Il faudra attendre 1945, voire 1953, pour que l’institution d’Aniane, indépendante de l’Administration pénitentiaire, s’inscrive dans une voie plus éducative.
Classe à la maison éducative, lavoir, repas, nettoyage du couloir des dortoirs
La plupart des enfants sont acquittés lors de leur jugement car ils ont agi sans discernement. Les parents quand il y en a, sont donc coupables et responsables financièrement, par contre le juge ordonne quand même un placement en maison de correction qui peut aller jusqu'à la majorité de l'enfant.
Au 01/01/1915, 4554 sont passés à Aniane en provenance de la France entière et de quelques pays étrangers (186), dont 135 italiens.
Les 788 premiers ne sont pas recensés car aucun document n'est disponible.
Sur les 3111 enfants recensés
213 garçons sont nés de père inconnu, 7 enfants de parents inconnus, 3 de mère inconnue.
39 couples de frères écroués à Aniane,
253 enfants viennent d'une autre colonie par transfert, 896 furent transférés par mesure disciplinaire dans une autre colonie dont 737 aux Eysses de Villeneuve sur Lot,
56 enfants viennent de l’assistance publique.
164 enfants décèdent sur la colonie d'Aniane, dont 2 noyades par évasion et 3 assassinés par un camarade,
149 enfants se retrouvent ensuite au bagne de Guyane, 472 enfants avec de multiples condamnations sur leur livret matricule, et beaucoup d'engagements « volontaires forcés de 3, 4, 5 ans ou pour la durée de la guerre ».
374 garçons tomberont "Mort pour la France " sur 14/18 !!!, 4 seront fusillés,
5 garçons "Mort pour la France" en 39/45,
2 seront décorés de la Légion d'honneur,
Certains seront prisonniers de guerre et échapperont à la "tuerie".
On remarque aussi que la majorité de ces garçons sont "étiquetés catholiques"
Cour des ateliers, entrée de la maison d'éducation, cage à poules, chambre
Les principaux "chefs d'inculpation" sont, vols, vols simples et qualifiés, complicité de vols, vols de récoltes, destruction de barrières, recels, escroqueries, abus de confiance, attentat à la pudeur, incendiaire, coups et blessures, vagabondage, mendicité, coups envers un ascendant, voyage en train sans billet et très rarement homicide.
La façon la plus digne de sortir de la colonie reste l’engagement militaire.
Ces "colonies pénitentiaires" furent un énorme réservoir de recrutement "pour l'Armée! A cette époque, l’armée représente une véritable opportunité pour ces jeunes gens. Avec le souvenir encore fort des conquêtes impériales et le sentiment patriotique largement répandu, l’armée jouit d’un certain prestige, mais on remarque que pendant la guerre, la majorité de ces jeunes « délinquants » seront enrôlés dans les bataillons d'infanterie légère d'Afrique, de quoi endurcir le caractère !!!
Texte d'Henry Friol
Henry Friol se définit ainsi :
Pourquoi ce travail sur Aniane ?
J'ai commencé il y a quelques années par le bagne des enfants de Montlobre, situé à Vailhauquès 34, qui est mon village de résidence depuis 40 ans, un bagne très dur certainement plus qu' Aniane quoi que ...et la plupart des habitants de mon village ignorent totalement cette existence et le sort de ces garçons âgés de 4 à 20 ans!!! si ce n'est le registre des décès de la commune.. . Lorsque Montlobre ferme en 1885, c'est Aniane situé à 35 kms environ qui prend le relais et reconvertit sa prison pour hommes en colonie pénitentiaire.. et j'essaie juste de retrouver une famille où un lien pour chacun de ses enfants. Et depuis je reçois des centaines de réponses étonnantes, stupéfiantes, horrifiées...que je garde dans un livre d'or ( déjà 129 pages A4).
Photos d'Aniane : ENPJJ