Audemard, le dernier forgeron
Dans les grandes villes vous trouverez peut-être un « Parking Charles De Gaulle »,ou bien « Jean Jaurès », ou encore « Vauban »… au Laverq on a le « Parking Audemard », du nom des derniers propriétaires cultivateurs du petit pré qui accueille désormais les véhicules au bout de la route, devant le gîte…
Casimir AUDEMARD a été le dernier forgeron du vallon. En 1885 il a épousé « Emélie » TRON qui habitait chez son père, Magloire, à « La Défendue », juste au-dessus du hameau de l’Abbaye. Le jeune couple s’y est établi. Casimir a poursuivi son activité de maréchal ferrant et forgeron, tout en exploitant quelques terres agricoles. Emélie a tenu quelques temps encore le commerce d’épicerie, quincaillerie et bonneterie, fondé par son père. On se souvient aussi qu’elle assistait les femmes en couches dans le vallon.
Puis le Laverq s’est vidé peu à peu de ses habitants, l’exode rural a eu raison de leurs petits commerces si haut perchés dans la montagne ; il n’y avait plus qu’à se débrouiller péniblement avec quelques activités agricoles, mais Casimir et Emélie sont restés au Laverq toute leur vie jusqu’en 1937.
Casimir Antoine Audemard, venait d’Allos. Il était issu d’une famille très ancienne en ce lieu, dont la généalogie est reconstituée jusqu’en 1610, mais qui figurait déjà en 1344 parmi les 361 feux d’Allos payant le droit d’albergue à Hugues IV de Baux… Suivant les époques, et les administrations, leur nom s’est écrit Audemar ou Audemard. Casimir est Audemar pour l’armée, c’est ainsi qu’il signait, ses fils seront tantôt Audemar sans D, tantôt avec un D final. Notons aussi que le premier prénom n’était pas toujours le prénom d’usage, (petites précisions utiles pour nos amis qui se lancent dans la généalogie, … ou les recherches médiévales !)
Dans cette famille on a été forgeron et maréchal ferrant de père en fils, puis les temps ont changé. Florent, le frère de Casimir sera le dernier à travailler avec leur père Jean « Joseph », décédé en 1896. Il sera, lui aussi, le dernier forgeron de son hameau, La Baumelle. Fin d’un monde, plus besoin de battre le fer : les usines produisent les outils à la chaine, plus besoin de gros clous forgés pour les maisons qui se vident, plus de mulet à ferrer…
Casimir était parti très loin de chez lui à 20 ans, par manque de chance au tirage au sort du service militaire, et encore moins à l’affectation. Avec le Régiment des Chasseurs d’Afrique il est parti pendant 4 ans, de 1880 à 1884, résumés en quelques mots : « a fait partie des colonnes appelées à réprimer les mouvements insurrectionnels sur le territoire algérien ». Ce qui lui a valu d’être rappelé encore plusieurs fois à Nîmes, jusqu’en 1891, pour des périodes d’exercice dans l’artillerie.
A son retour du service militaire, il trouve un emploi de forgeron à Barcelonnette. Beaucoup de jeunes gens se rencontraient à Barcelonnette, centre commercial et administratif, ou par connaissances communes ; il y avait beaucoup de mariages entre habitants des vallées voisines. Autour de la famille Audemard à Allos s’étaient déjà établis des Amavet, Hermelin et Clariond venus du Laverq, tandis que quelques jeunes filles d’Allos étaient mariées au Laverq. A cette époque il y avait aussi à l’Abbaye le curé Irénée Guirand, allossard exactement du même âge que Casimir, qui a œuvré pour la construction du clocher de l’Abbaye.
Les gens n’étaient pas sédentaires, les jeunes pouvaient passer les cols à pied, juste pour aller danser à une fête. Mais les déplacements nécessitaient beaucoup d’énergie. Dans la famille Tron on a entendu parler du fameux voyage d’une armoire à travers la montagne, apportée d’Allos par Casimir, à dos de mulet. Pas si simple quand même !
Casimir et Emélie ont eu 5 enfants. La grande guerre est venue bouleverser la vie de tous, les garçons ont été mobilisés tour à tour et en 1918 les trois fils étaient au front.
Puis frères et sœurs se sont éparpillés, chacun a fait son chemin, marié et installé plus ou moins loin.