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Chute mortelle au Pas du mulet

Publié par Roland Odore le mardi 31 janvier 2023

Le 21 février 1782 un cadavre est découvert au milieu de l’Ubaye près de Champanastaïs. Averti vers les huit heures du matin, Pierre Yvan, baile et juge ordinaire du Lauzet se déplace sur les lieux avec Me Regnier son greffier, Joseph Puget, sergent et plusieurs autres personnes.

Le procès-verbal

Arrivé sur le gravier de la rivière il constate que le cadavre au milieu de l’eau est couvert de glace, dont seul un pied dépasse. Il ordonne à ses hommes d’aller le prendre pour le transporter sur le gravier. Après avoir fait rompre la glace dont il avait tout le dos couvert, il entreprend une description du cadavre. Il est tête nue, habillé d’une veste et un corset en drap de ménage de couleur grise, un second corset en toile, une chemise, une culotte, des guêtres et des souliers.

Dans les poches de sa veste on y trouve divers objets dont un couteau à manche de corne, la moitié d’un fer de mulet, une houppe en laine de couleur rouge, de celle dont on se sert pour orner la tête des mulets et dans les poches de sa culotte, dans l’une un petit sac de peau avec quatre écus de six francs et une pièce de dix liards et dans l’autre des lettres de relance, des acquis de caution et des billets de décharge au bureau de Seyne au nom d’André Blanc et Jean Baptiste Blanc …

A midi sonné, le cadavre est laissé à la garde à vue d’André Estrayer, Joseph Ranguis, Dominique Desdier et Hyacinthe Charbonnier pendant que baile greffier et sergent retournent au Lauzet pour dresser le procès-verbal. Charles Fabre est mandé à Barcelonnette pour donner avis à Mr le préfet de la vallée.

champanastais-1905
Champanastaïs - 1905 - Ubaye en cartes

Le transport du cadavre au Lauzet

Il fait très froid et à cinq heures du soir les quatre gardes reviennent au Lauzet dire qu’ils leur est impossible de rester plus longtemps auprès du cadavre sans risquer eux-mêmes d’y périr et qu’ils se voyaient obligés de l’abandonner.

Pierre Yvan leur ordonne de transporter le cadavre dans la maison de ville du Lauzet et de continuer de le garder à vue.

L’exposition du cadavre à la vue du peuple

Le 23 février 1782 le cadavre est exposé dans la maison de ville à la vue du peuple. Tous les témoins le reconnaissent pour être celui de Jean Baptiste BLANC fils de feu Dominique, muletier, "voiturant" du sel de Digne où il est établi à Barcelonnette.

La question est alors posée de savoir si « le cadavre a été jeté dans les eaux de la rivière par l’effet d’un cas malheureux ou si quelqu’un avait contribué à sa mort ». Tous s’entendent pour dire que personne n’a contribué à sa mort.

L’examen du cadavre

Le sieur Hyacinthe Trouche chirurgien du Lauzet est appelé pour visiter le cadavre. Il dit « n’avoir trouvé qu’une seule blessure profonde à la tête avec les deux tables enfoncées laquelle ne peut avoir été occasionnée que par l’effet d’une chute sur la rocaille ». Il indique pour confirmer cette présomption qu’il a trouvé du gravier dans le fond de la blessure.

L’audition des témoins

Mais que s’est-il donc passé le soir du mardi 20 février ?

Au hameau de Champanastaïs la famille de Jean Baptiste était informée de l’arrivée du convoi de mulets.

Muletiers

Vincens Tron son beau-frère, dit être parti de sa maison vers les trois heures du soir pour aller au-devant et qu’il a rencontré les muletiers au-delà du Lauzet près de l’endroit appelé Pellegrin, qu’arrivés près du Lauzet à l’endroit appelé les Guirellets, Jean Baptiste Blanc et  Joseph Ranguis confièrent leurs mulets tant à lui qu’aux autres muletiers et prirent un petit chemin raccourci qui vient directement sur la place publique du Lauzet pour avoir le temps d’y faire des commissions et qu’arrivés au dit lieu Vincent ne s’arrêta point et continua de suivre les mulets jusqu'à Champanastaïs. Ce ne fut que quelque temps après qu’ils furent arrivés au hameau qu’il apprit par le bruit général qui s’y répandit que Jean Baptiste s’était « précipité » à l’endroit appelé Pas du Mulet.

Le pas du mulet
Cadastre 1812

Sur la vue aérienne la position supposée du Pas du mulet, à droite le cadastre de 1812

1991 - Pas du Mulet
Pas du Mulet - 1991 - Collection Novareti

La recherche du cadavre

Joseph Blanc, connaissant le mauvais état du chemin par l’effet des glaces, dit être parti à sa rencontre vers les six heures du soir pour venir l’aider à conduire ses mulets. "Arrivé au Chemin Royal et ayant reconnu les quatre mulets de son frère qui étaient les derniers de la troupe, dans l’idée que son frère était en arrière il prit le licol du premier mulet pour l’aider à passer un petit vallon qui se trouve au chemin qui conduit à Champanastaïs et qui présente le plus de danger par la couche que la neige avait formée et le conduisit ainsi jusqu’à l’entrée du hameau de Champanastaïs. " 

En ayant abandonné les mulets il s’informa auprès des autres muletiers qui le précédaient si son frère n’était pas après ses mulets sur quoi Joseph Ranguis lui répondit que "comme les mulets de Jean Baptiste se trouvaient les derniers de la troupe il l’avait quitté au Rif de la Buissière où chacun d’eux s’étaient séparés". "Sur cette réponse il attendit que tous les mulets eussent défilés croyant toujours de voir arriver son frère après les derniers, mais ne l’ayant point aperçu, inquiet sur son compte, il revint sur ses pas avec ledit Joseph Ranguis, muletier, pour voir ce qui l’avait arrêté. Et étant venus jusques au Rif de la Buissière, ils s’en retournent à Champanastaïs en regardant tout le long du chemin s’ils ne rencontraient point sur la neige quelques traces."

Le Lauzet Ubaye Wikipédia Mossot
Le_Lauzet Ubaye Wikipédia - Photo Mossot

"Et arrivés à l’endroit appelé Pas du Mulet ils aperçoivent au-dessous de la muraille qui retient le chemin et qui présente un précipice affreux coupé à pic un chapeau sur la neige ce qui les fit d’abord craindre que ledit Blanc ne se fut précipité. Dans cette idée ils contournèrent le précipice de tous les côtés et descendirent jusque sur le gravier d’Hubaye pour voir s’ils pourraient le découvrir. Et comme ils tardaient d’arriver à Champanastaïs, le bruit s’y étant répandu, plusieurs personnes accoururent avec des lanternes mais toutes leurs recherches furent inutiles et ne purent y découvrir que la trace marquée sur la neige où ledit Blanc s’y était précipité et après avoir ainsi cherché presque toute la nuit infructueusement il se retira dans sa maison, plongé dans la plus vive douleur. Il apprit ensuite le lendemain au matin que le cadavre avait été aperçu écervelé vers le milieu des eaux de la rivière".

Les témoignages de Pierre Blanc, oncle de Jean Baptiste et d’André Derbes son cousin germain, n’apportent pas d’informations supplémentaires.

Tous signent ensuite le procès-verbal et Pierre Yvan, baile, procède à la liquidation des taxes, vacation, émoluments, frais de garde, transport du cadavre et autres.

La famille Blanc

Cette famille vous concerne ?

Voici quelques éléments pour vous y rattacher :

Famille BLANC
Famille BLANC - En gras les personnes citées dans l'acte

Si vous êtes liés à cette famille et si vous voulez plus d'informations, contactez-nous :

Source : Extrait des registres du greffe du Sieur Baile du Lauzet
Fond privé de Michel Blanc que je remercie infiniment pour son aide.

Carte postale : http://ubaye-en-cartes.e-monsite.com/

 

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