Des ponts... sous l'eau
La vallée de Barcelonnette n’était pas facile d’accès; pour tout voyage il fallait choisir entre franchir des cols abrupts et enneigés ou traverser d’impétueux cours d’eau.
Alors, pendant des siècles, les hommes se sont affairés à construire des ponts. Certains ouvrages ont été emportés par les crues, d’autres ont été détruits par fait de guerre, certains ont été continuellement renforcés et modernisés, et puis quelques-uns ont été engloutis par un lac artificiel.
Chaque corps de métier a laissé des témoignages de son travail : vestige matériel , gravure ou écrit papier, ou même contentieux, autant d’éléments qui nous éclairent sur leur savoir-faire ou leurs déboires.
La basse Ubaye, puis le confluent de la rivière Ubaye et de la Durance était particulièrement difficiles à franchir. C’était aussi une zone frontière délicate à la jonction des provinces du Dauphiné et de la Provence, premier pas vers le péage du Lauzet et la Savoie, jusqu’en 1713. On se trouve là au cœur d’un passage obligé pour voyageurs et muletiers des Alpes ou de Provence, avec une bifurcation vers Embrun, une autre vers Gap (et Remollon pour son fameux vin) et bien sûr itinéraire incontournable pour les troupes de soldats de toute époque. Les travaux routiers prennent de l’ampleur au fil des siècles.
A partir du règne de Louis XIV les aménagements sont déjà très bien documentés. Les communautés limitrophes de ce périmètre stratégique : Ubaye, Saint Vincent les forts, La Bréole et un peu plus loin Turriers, étaient soumises à de rudes contraintes d’entretien des chemins et des ponts. Pour les constructions les reliant entre elles, chacune devait s’occuper de son coté de l’ouvrage et de la culée qui était sur son territoire. On devine la quantité d’encre que cela a pu faire couler pour la coordination, les visites de chantier et les factures partagées !
Le village d’Ubaye, aujourd’hui noyé sous les eaux du lac de Serre-Ponçon avait son pont, face à la Bréole. Les archives départementales conservent le rapport de l’architecte Laurent Vallon daté de 1694, envoyé sur place par le Parlement d’Aix en Provence, à cause des destructions de guerre du Duc de Savoie. Son projet de nouveau pont s’accompagne d’un devis et d’un plan aquarellé.
Page de gauche " plan du pont d'Ubaye ,depuis la lettre A jusque à celle de B est la partie du pont que fau faire pour passer la rivière lors des débordements des eaux " (partie centrale dans le lit de la rivière). Sont indiqués un pont brulé (guerre), Ubaye avec son clocher et un moulin.... Page de droite est tracé le "chemin dans la terre de Provence" et le "chemin dans la montagne que vient de la Bréoule", puis le "chemin dans la terre du Daufiné"... on remarque le cours tressé de la rivière et les torrents adjacents qui rajoutent aux difficultés de franchissement...
Au XVIII° siècle la commune d’Ubaye avait encore un pont, on le voit sur la carte Cassini et plus tard encore sur le cadastre Napoléon, au bas du petit bourg principal. En 1869, la route traversera l’Ubaye un peu plus haut ; à 5 Km en aval du Lauzet est construit un pont de pierre au quartier Pellegrin. De beaux plans et des photographies témoignent de son esthétique, puis de son dynamitage lors de la mise en eau du lac artificiel en 1960. La commune est fusionnée avec Le Lauzet.
Un ouvrage aérien domine désormais la rivière Ubaye et les kayaks qui flottent sur les eaux apaisées de la basse Ubaye.
L’INA met en ligne des reportages télévisés sur la construction du barrage de Serre-Ponçon et sa mise en eau. En lien ci-dessous, 2 reportages spécifiques au village d’Ubaye à ne pas manquer :
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/afe85008524/la-mise-en-eau-du-barrage-de-serre-poncon