Franchir les cols
A Méolans on a rêvé de routes pour franchir les cols.
Chaque année en mai ou juin c'est l'ouverture des grands cols des Alpes, et souvent de façon spectaculaire. Partout le panneau COL OUVERT est attendu avec impatience. C’est l’occasion de retrouvailles de part et d’autre des montagnes, de belles escapades et de beaux souvenirs pour plusieurs générations.
Et si le tracé des routes n’était pas celui que l’on connaît aujourd’hui ?
Il aurait pu y avoir d’autres cols sur la Route des Alpes. La construction d’une route dépend de beaucoup de facteurs économiques et politiques. Au 19ème siècle tout le monde désirait une belle route. Depuis des millénaires on franchissait péniblement les montagnes à pied, désormais tout le monde voulait voyager assis.
Le 15 mai 1867 le conseil municipal de Méolans délibère, il se sent oublié par le progrès qui gagne toute la France. Sous l’impulsion de son maire le juge de paix Hyacinthe Frédéric Vinatier, il émet un vœu adressé au Conseil Général des Basses Alpes via Monsieur le Préfet. Il réclame le classement en « chemin de grande communication » des pauvres sentiers de Méolans conduisant à Seyne les Alpes par le col de Bernardez, et à Allos par le Pas du Mélèze puis la Sestrière, c'est-à-dire nos GR6 et 56 actuels.
Ainsi le département prendrait en charge les dépenses à la place de la commune. Le maire argumente : il y aurait un grand avantage, on mettrait ainsi en relation directe Castellane avec les arrondissements de Gap et Embrun, et même Digne avec le col de Pontis…et à moindre coût. C’est exactement l’époque des travaux d’aménagement du Pas de la Tour au Lauzet, sur la route impériale Montpellier – Coni qui dessert Méolans au Martinet et Revel à la Fresquière, le pont du Tourniquet va permettre le passage des voitures hippomobiles jusqu’à Barcelonnette.
Mais ce n’est plus suffisant, le maire explique que le commerce des bestiaux et des denrées avec Seyne et Colmars est très avantageux, donc un embranchement au Martinet serait idéal pour relier la route impériale à ces autres vallées…
Et le maire poursuit ses considérations : « Je crois même que le département aurait intérêt à changer la direction de la route départementale n°10 en la faisant passer par le vallon du Laverq au lieu de la faire passer par la vallée du Bachelard . La distance à parcourir ne serait pas plus longue et d’un meilleur entretien, on éviterait les rampes ardues de la descente et la remontée de Morjuan à La Malune et de La Malune à Uvernet. »
Route départementale n°10 c’était la route qui reliait Barcelonnette à Castellane. En fait entre Barcelonnette et Allos ce n’était encore qu’un chemin de 2 mètres de large, que les militaires avait condamné en 1857 à rester muletier, de peur des invasions ennemies. Ce n’est qu’en 1883 qu’il deviendra une nationale (finalement les militaires avaient changé d’opinion, il fallait relier les garnisons de Tournoux et d’Antibes). Le tracé de cette route n’était pas encore celui d’aujourd’hui.
Le conseil de Méolans émet donc un vœu, mais s’engage aussi à donner tous les terrains qui seraient nécessaires.
Que devient le beau projet de Mr Vinatier ? A l’ouverture de la séance du conseil Général le Préfet déclare : « Beaucoup de localités ont demandé le classement de nouveaux chemins de grande communication ou d’intérêt commun qui augmenteraient de 290 kilomètres 460 mètres la longueur du réseau actuel. Il sera impossible de donner suite à la majeure partie de ces vœux. Des études vont être faites dans ce sens et M. l’agent-voyer en chef va être invité à préparer un travail complet et raisonné avant l’époque de votre session de 1868… »
Les chemins de Méolans ne seront pas retenus dans la liste des priorités de 1868, pas plus que les arguments du maire pour un nouveau tracé de la "route du Col d’Allos" par le Laverq…et puis on ne pensera plus qu’à financer une grande nouveauté : le chemin de fer.