Jean Derbes dit Paradis, de Revel
Les Derbes "Paradis"ont vécu pendant plusieurs siècles au hameau des Clots à Revel, c’était bien avant que ce hameau ne devienne un « haut » lieu de festival de musique !
Sous le règne de Louis XIV, le patriarche Jean fils de Claude possédait assez de terres pour y vivre aisément. Il avait même ses vignes en bas, à Chaudon et faisait son vin. Sa montagne, qui n’évoquait pas encore le profil de la tête de Louis XVI, était alors un lieu très fréquenté et un passage pour rejoindre le Dauphiné par les Orres, alliances et échanges commerciaux avec les autres vallées étaient multiples.
Mais pourquoi ce surnom de Paradis ? A cause d’une anecdote ? Pour une raison mystique ? Pour la localisation de son « forestage » : du fonds de la vallée on le cherche des yeux, tout là-haut il paraît plus près du ciel ? A chacun ses suppositions, et pour les plus terre à terre d’entre nous, je précise qu’un paradis c’est aussi un lieu où les bergers parent les brebis, c'est-à-dire les rassemblent pour chaumer…
Jean Paradis était marié à Spirite (Esprite) Derbes fille d’Esprit ; ils ont eu beaucoup de descendants, souvent devenus des DERBEZ. Il décède vers 1700 et un de ses fils, prénommé Jean lui aussi, lui succède à la tête du patrimoine pour une cinquantaine d’années. D’abord marié à Marguerite Donnadieu et père de trois garçons, ce Jean II devient veuf et se remarie en 1721 avec Marie Trouche de Chaudon, confortablement dotée par son père Mathieu.
Au fil des ans Jean Derbes organise son patrimoine en fixant à chaque membre de la famille ses droits et ses obligations de façon très détaillée.
En 1734 c’est son fils ainé Joseph qui se marie avec Isabeau Derbes, à cette occasion il lui fait donation de ses terres, prés, bois, bâtiments, créances et argent, sauf 2 parcelles qu’il se réserve. Mais cette donation est assortie de lourdes contreparties en faveur de toute la famille.
Ses autres fils Jean Baptiste et Jean Ange reçoivent un capital, ils devront être nourris et entretenus, « aller aux écoles », recevoir un patrimoine clérical si l’un d’eux voulait devenir prêtre… et autre condition, Jean fixe une dotation future de 100 écus d’or (300 livres) pour d’éventuels « enfants à naître de ses œuvres », une somme égale qu’ils soient garçon ou fille, ce qui n’était pas habituel. La somme est conséquente, supérieure à bien des dots de la vallée, surtout qu’on ne sait pas combien d’enfants pourraient naître…
Le jeune marié devra aussi à son père une pension annuelle de 6 charges de blé, 4 de froment, 2 de seigle qui se récoltent sur ses terres (soit au moins 900 litres de grains, cette mesure locale est une mesure de capacité et non de poids) et 18 brocs du vin de ses vignes (plus de 200 litres), 50 livres de fromage… le fils fournira costumes, chemises de toile, culottes, chapeaux et coiffes, bas et souliers neufs tous les 3 ans… Tout est largement et prudemment prévu pour que Jean Derbes, sa femme et ses fils vivent confortablement. Ils aideront Joseph du mieux qu’ils peuvent à cultiver ses terres, mais attention : seulement « les terres qu’on a l’habitude de cultiver », et autant que « leur force le permette ».
Et puis un « enfant à naître » vint au monde, après une quinzaine d’années de mariage, Jean Derbes et Marie Trouche ont eu une petite fille prénommée Anne. Heureusement pour Joseph il semble qu’il n’ait eu qu’une demi-sœur et non une ribambelle de cadets et cadettes.
Ainsi la petite Anne Derbes était richement dotée avant même sa naissance, mais l’histoire de cette dot est surprenante, et bien longue ! donc à suivre…