La cage et l'oiseau
À quoi reconnaît-on ce que l'on aime. À cet accès soudain de calme, à ce coup porté au cœur et à l'hémorragie qui s'ensuit - une hémorragie de silence dans la parole. Ce que l'on aime n'a pas de nom. Cela s'approche de nous et pose sa main sur notre épaule avant que nous ayons trouvé un mot pour l'arrêter, pour le nommer, pour l'arrêter en le nommant. (Christian Bobin, Une petite robe de fête )
Ainsi dès que je te touche, te voici mort !
Toi devant la fenêtre qui va et vient du bout des doigts, de la fine nervure de ce qui te sert de main, agitant l'air pour en faire un chant dans la douce lumière qui passe au travers de toute l'articulation de ta charpente.. à te regarder quelque part je me perds et au seuil de ma demeure, tu me trouves. Lorsque nous allons du même pas, celui qui coule en la fontaine, qui court les blés, monte et se consume au cœur de toute chose , vibrant.
Et toujours des mots viennent mourir en ma bouche pour tenter de t'apprivoiser en ton absence car même lorsque je te murmure te voici perdu d'avance au détour d'une pensée qui, si preste que l'éclair foudroie ta vivance en plein vol pour l'amour d'un coin de bleu, celui qui je tente de saisir du bout des yeux en ma bruyante condition.
Désespoir d'une errance ou chemin de Ciel ? Lorsque la question monte ce bruissement qui répond est le silence auquel tu pousses de toute la force de ta ramure, sapin qui vient à ma rencontre, en appel de Lumière. Alors j'écris la musique comme d'autres composent la parole de "ce qui ne meurt jamais " puisque les mots sont le meilleur et le pire de notre condition, à la fois la cage et l'oiseau.
Il y a besoin de si peu, pour écrire. Il n'y a besoin que d'une vie pauvre, si pauvre que personne n'en veut et qu'elle trouve asile en dieu, ou dans les choses. Une abondance de rien. Une vie à l'inverse de celles qui sont perdues dans leur propre rumeur, pleines de bruits et de portes. ( Christian Bobin, une petite robe de fête )