Le glacier de la Blanche de Laverq
Dans son livre Les sentiers de montagne des forestiers, Hervé Gasdon présente le glacier de la Blanche de Laverq vu par les pionniers de la Restauration des Terrains en Montagne (RTM) :
« Nous avons passé la Tête de la Sestrière au magnifique panorama, au pied de la Grande Séolane (2909m). La Tête de la Sestrière domine vers le sud les Sources du Verdon et la vallée d’Allos. Allos a été longtemps rattaché à la vallée de l’Ubaye et à son histoire malgré la séparation du col d’Allos qui, à l’altitude de 2247m, est impraticable l’hiver…
Mais nous, nous descendons vers la vallée du Laverq, une vallée isolée, une vallée splendide.
En passant la Tête de la Sestrière nous arrivons aussi, pour toute cette partie amont de la vallée, dans la forêt domaniale du Laverq dont font partie, située au Sud-Ouest, la tête de l’Estrop (2961m) avec à son pied le glacier de la Blanche puis les Eaux Tortes. Ces terrains ont été acquis par l’Etat dans le cadre de la loi RTM de 1882. Bien entendu les forestiers ne concevaient pas le reboisement à ces altitudes.
Mais revenons-en à la forêt domaniale du Laverq dont une partie est classée réserve biologique, dans le droit fil des idées de Mathey.
Sous la tête de l’Estrop nous distinguons un relief caractéristique d’une époque glaciaire avec le glacier de la Blanche qui donne naissance au Grand Riou de la Blanche. Le nom est dû à la couleur des eaux qui transportent des boues glaciaires blanchâtres.
C’est le 22 juin 1892 que l’état se porte acquéreur de la partie amont du vallon du Laverq qui se dénomme la Montagne Pastorale de Valneige. L’inspecteur des Eaux et Forêts de Barcelonnette remarque : « Dans la partie la plus élevée et la plus reculée du cirque… une nappe de neige assez étendue se maintient à l’état permanent ; cette masse congelée est dénommée dans le pays glacier de la Blanche ». Dans le cadre de la Commission Française des Glaciers, celui-ci sera parmi les 26 premiers glaciers des Alpes françaises observés par les Eaux et Forêts à partir de 1921.
Dans son livre Glaciers et Glaciers Rocheux, Vallée de l’Ubaye (réédité en 2018 par Sabença de la Vallèia), Alain Assier présente l’évolution du glacier de la Blanche : « Une reconnaissance ponctuelle des Eaux et Forêts faite le 4 aout 1905 dans le haut du vallon, est accompagnée de la réalisation de photographies dont une montre le glacier. Une nappe de neige et de glace, régulièrement inclinée, ourle le pied des barres gréseuses du flanc nord de la Tête de l’Estrop (2961m). A mi- pente une zone sombre peut être interprétée comme de la glace vive. Le front couvert de neige s’appuie encore contre une accumulation qui fait office de moraine frontale, à 2580 m d’altitude… la hauteur de cette moraine (30 m) atteste de l’épaisseur atteinte par le glacier au Petit Age Glaciaire, son tracé délimitant une superficie non négligeable de 16 hectares. »
En 1928, l’inspecteur adjoint des Eaux et Forêts Genêt, à Barcelonnette, mentionne une crevasse de trois mètres de profondeur et une large rimaye indiquant ainsi que le glacier de la Blanche est encore actif. En 1950, le nouvel inspecteur Sarthou ne distingue ni rimaye ni crevasse.
Alain Assier suit le glacier depuis 1982. Il constate qu’à partir de 1989 la glace n’est plus visible en surface mais que plus bas la glace, couverte de blocs, est observable entre les débris, jusqu’à 2640 m. En 2003, un peu de glace était encore visible au sommet des cônes d’avalanche. En octobre 2014, les éboulis instables recouvrent peut-être localement quelques lambeaux de glace. Et de conclure : « Le glacier de la Blanche n’a pas résisté au réchauffement des années 2000 ».
En aval du glacier, à 2250 m d’altitude se situent les Eaux Tortes… » et les découvertes se poursuivent.
Extrait du livre d’Hervé Gasdon : Les Sentiers de Montagne des Forestiers Itinérance entre la Durance et l’Ubaye (Editions Transhumances). L’auteur, forestier lui-même, nous guide dans les pas des pionniers de la restauration des terrains en montagne, dans l’épicentre d’un chantier colossal dont il expose l’histoire, et au cours d’un circuit en huit étapes d’Embrun à Embrun, en passant par Les Orres, le refuge de la Pare, Praloup, le Laverq, Seyne les Alpes, Le Lauzet-Ubaye et Boscodon.