Le joli mois de mai
« Veici lou joli mes de mai que lous galans plantoun lou mai... » (Voici le joli mois de mai où les galants plantent le Mai). Ainsi commence la chanson de mai du Champsaur, connue chez nous comme dans tout le Sud-Est avec de petites variantes. Car le 1er mai, fête du renouveau, est dédié depuis très longtemps à l’amour et il existe toute une tradition en Basse-Provence, avec des Belles de mai (ces jeunes filles évoquant Maia, déesse romaine de la fertilité et du printemps), des Mais d’amour, ces arbres décorés plantés sous la fenêtre de la jeune fille aimée avant la sérénade des tambourins. Claire Tiévant en parle longuement dans son Almanach de la mémoire et des coutumes – Provence de (Éd. Albin Michel- 1983).
Or, tout ceci nous entraînerait trop loin et nous en resterons aux traditions du petit hameau de l’Adroit de Barcelonnette, principalement religieuses d’ailleurs. Tout d’abord, au mois de mai, jusque avant la deuxième guerre mondiale, on mettait des bougies aux fenêtres et les femmes allaient prier le soir à la chapelle locale où l’on révère Saint Jacques le Mineur. On entrait dans le mois de Marie et il était déconseillé de se marier alors, le proverbe local étant formel « Qu se marìa de mài de malùr s’èn vài » (Qui se marie en mai va vers le malheur). Dans la même veine, le proverbe équivalent en Basse Provence prévient : «mai commence par une croix (la Sainte Croix), mais si vous vous mariez dans ce mois, vous en porterez deux... ».
Depuis des temps immémoriaux, le 1er mai, c’est la fête du hameau de l’Adroit. Le matin, un prêtre vient célébrer la messe et, à la fin, il bénit les petites croix de bois (en saule, par exemple), dites « crousettes » dans d’autres régions de France. Elles seront proposées ensuite sur place pour financer l’entretien de la chapelle. Afin de s’assurer la protection divine, les habitants les ont toujours plantées dans leurs champs de blé et leurs potagers. C’est ainsi qu’une grand-mère a pu dire un jour à sa fille, encore enfant, accompagnée de son cousin du même âge, d’aller planter une petite croix dans le champ familial mais surtout « pas tout près de celui du voisin... ». Après le déjeuner, les hommes jouaient à proximité aux boules, cloutées à l’époque. Le soir venu, un balèti était organisé dans quelque grange avec l’appui d’un accordéoniste du pays.
Cette tradition survit en 2024, sans le balèti. Toutefois, à compter des années 2000, après la remise en état du four banal proche, on joignit la Fête du pain, cuit le même jour pour être béni également et offert sur place dans un esprit de partage. Le Covid a précipité l’abandon de cette pratique, d’ailleurs un peu complexe à organiser. Et, après l’apéritif offert aux fidèles, la fête continue avec le pique-nique collectif, souvent sorti du sac dans un gîte voisin accueillant pour se protéger du vent, de la pluie et parfois même de la neige…
Mais, par beau temps, on joue à la pétanque et le partage continue puisque les dames sont de la partie…
L’Estrucàire de l’Adrech, le 1er mars 2024