Le Labyrinthe des Eaux Tortes
Le lac des Eaux Tortes, niché à 2250 mètres d’altitude, semble l'empreinte d’un immense serpent tropical ayant lentement ondulé à travers une mangrove céleste, laissant derrière lui un enchevêtrement de chenaux mystérieux. Tels des veines argentées sur un tapis de tourbières, ces méandres serpentent, s’étirent, dessinant des chemins d’eau qui abritent une végétation étrange et rare, des joncs effilés aux mousses envoûtantes. On croirait y voir le souffle du vent tisser une danse secrète, une chorégraphie millénaire entre les carex et les linaigrettes blanches, flottant comme des fantômes.
Au-dessus, sous le regard immuable de la Tête de l’Estrop, le glacier rocheux de la Blanche veille tel un gardien pétrifié, dernier vestige des temps anciens, tandis que plus haut encore, à 2580 mètres, le lac de Vautreuil scintille, désertique et minéral, reflet d’un autre monde dominé par des titans endormis : l'Estrop et le Puy de la Sèche. Cet écrin secret, classé en Réserve Biologique Domaniale, semble suspendu entre deux réalités, là où le temps et l’espace se courbent au gré des saisons.
Les eaux des Eaux Tortes, sinueuses et changeantes, s’assèchent en été, révélant le cœur de la tourbière, où fleurit la linaigrette, ses cheveux d’argent flottant dans l’air, tandis que le rubanier à feuilles étroites se dresse, comme des lances de cristal perçant le ciel azur.
C'est une belle image poétique que d’imaginer ce qu’évoquent les prairies avec leurs contours sinueux et leurs îlots d'herbes rasées peuvent en effet faire penser à des motifs naturels, presque comme ceux que l'on pourrait trouver sur la robe d'une vache, mais ici transposés dans une palette de vert. Cette idée d'une « vache verte » suggère une fusion entre l'animal et la nature, comme si les formes des prairies incarnaient une créature imaginaire ou un paysage vivant. Alors j’imagine donc la terre comme un être organique, portant les traces de son environnement naturel, presque comme une œuvre d'art mouvante.
C'est fascinant, car cela ouvre à une réflexion sur la manière dont on perçoit et personnifie la nature.
Et vous comment voyez vous cette relation entre les paysages naturels et les animaux qui les habitent ?
Ici, le semi-Apollon danse avec la lumière, et la grenouille rousse plonge sans bruit dans les bassins discrets, protectrice silencieuse de ce royaume oublié.
Le sentier, tracé avec soin pour épargner ce sanctuaire fragile, conduit les visiteurs émerveillés à travers une galerie naturelle où se rencontrent faune et flore d’un autre âge.
Comme un passage secret entre ciel et terre, les Eaux Tortes apparaissent, rappelant les marécages mythiques d’une Afrique onirique, berceau de mon père où chaque plante semble une relique enchantée, et chaque sommet un géant assoupi.
Le massif des Trois Évêchés veille sur cette vache 🐄 cachée, sacrée, où les montagnes semblent s’incliner devant la grandeur silencieuse des tourbières. Ce lieu, né de la fonte d’un glacier antique, est un sanctuaire paradisiaque, un berceau de vie où les eaux tortueuses chantent encore l’histoire des géants et des serpents de légende, dans un murmure éternel.
Benoit de Souza
Images de synthèse
Création B. de Souza