Les Arnaud des Clarionds
Les Arnaud habitaient une petite maison au bas du hameau des Clarionds jusque vers 1900.
Le patronyme a disparu du vallon du Laverq avec le mariage des filles et le départ des garçons, mais il est possible de connaître quelques bribes d’histoire familiale sur 9 générations, de 1640 à 1900.
Ils furent voisins et souvent alliés avec les Clariond et les Barthélémy. Le dernier Arnaud était Bienvenu, ainsi prénommé par ses parents en 1871. Pourtant Bienvenu est parti lui aussi. Nommé garde forestier à Saint Paul sur Ubaye, il s’y est marié et établi en 1901.
Arnaud c’est le patronyme choisi par Jean Proal pour un de ses romans qui se passe « là-haut », où la vie est si rude, où « C’est folie d’avoir accroché là des maisons, sur ce minuscule ressaut de la pente, sous la menace circulaire des crêtes, au déversoir de tous les ravins de la combe, au danger de toutes les avalanches. Loin de tout…
…Folie ! Oui. Mais les trois bergeries du début se sont agrandies : un hangar ici, un établon par-là, une soupente plus loin. De naissance en mariage les trois chalets sont devenus ce hameau de dix feux. Les avalanches ont respecté le hameau précaire, la pente a tenu sous lui, et maintenant l’avoine et le seigle montent autour des maisons… »
Les Arnaud ont connu bien des vicissitudes au cours des générations, le patronyme a même failli disparaître du Laverq dès le 18ème siècle, après Joseph fils de Jean et Marthe Clariond, décédé en 1750 à 80 ans.
Joseph avait hérité de la maison des Clarionds et de quelques terres seulement. Comme il avait également d’autres activités : tissage, négoce, travaux agricoles chez les autres… il était appelé « travailleur », mais il n’était pas pauvre, et même suffisamment riche pour être nommé électeur au conseil de communauté.
Joseph a eu 3 filles et 3 garçons avec une première épouse Anne Marie Amavet. Après quelques années de veuvage, à 44 ans, il avait trouvé une deuxième épouse. Le 24 novembre 1714, il allait jusqu’à Thorame-Basse épouser Catherine Richaud, une veuve de son âge, ou peut-être même plus âgée.
Une fois de plus on constate la mobilité toute saison des habitants de la montagne : passer la Sestrière et descendre le Verdon après Colmars fin novembre, et retour à deux, c’était risqué. L’épouse était originaire de Chanolles, un petit village coté Bléone, sur les flancs du Cheval Blanc : elle avait déjà passé les montagnes pour son premier mariage… Ils vivront ensemble jusqu’en 1742… Et ce n’est pas ce mariage qui aurait pu enrichir Joseph : Catherine n’a jamais reçu sa dot, à la fin de sa vie elle abandonne ses droits aux héritiers de son frère.
Tout semble idéal, Joseph marie ses filles avec de bons partis, émancipe ses garçons. Les deux ainés Jean Baptiste et Jean Antoine se marient et restent aux Clarionds. Tous deux forment une société, cela existait déjà, et agrandissent les propriétés Arnaud. Jean Baptiste a l’honneur d’être nommé consul du quartier du Laverq en 1732. La société dure quelques années, puis ils y mettent fin en expliquant être désormais en âge de pouvoir gérer leurs affaires sans mutuels conseils…
Le troisième garçon, prénommé Joseph lui aussi, s’établit à Barcelonnette avec Anne Bellon…
Hélas, la fin de vie de Joseph s’obscurcit, il perd ses 3 garçons et 2 de ses filles. Ses deux ainés Jean Antoine et Jean Baptiste décèdent à quelques mois d’intervalle en 1736 et 1737, puis c’est son troisième fils de Barcelonnette, Joseph, qui décède. Chacun laisse des petits enfants orphelins dont il devient tuteur avec leurs mères.
Encore des décès parmi ses petit-fils et finalement la maison des Clarionds reviendra à Jean Joseph, un fils de Joseph et d’Anne Bellon. C’est ce petit fils, né le 14/06/1742 à Barcelonnette, qui poursuivra la lignée Arnaud aux Clarionds, plus tard avec son épouse Marie Magdeleine Reynaud, fille de Jean.
Avec ces deuils viennent les contrariétés matérielles et pécuniaires, il faut vendre des terres autour des Clarionds. A cela s’ajoute encore un procès perdu, à propos de l’héritage de sa fille Jeanne.
Jeanne Arnaud avait épousé en 1711 François Gisle de Saint Barthélémy, un riche ménager qui devait décéder prématurément, ainsi que toute sa famille. Au fil des deuils elle s’était retrouvée seule à la tête d’un patrimoine conséquent, y compris sa dot difficilement versée par les Arnaud père et fils. Elle avait fait un testament en 1746 désignant son père comme son héritier universel, mais hélas en même temps elle léguait 970 livres à un curé venant officier à Saint-Barthélemy pour « dire des messes à son intention ». C’était une somme énorme : pour comparaison une brebis valait environ 5 livres, une vache 50 livres et les fils Arnaud n’avaient que 2 vaches et une dizaine de moutons. Le curé a intenté un procès à Joseph pour être payé au plus vite. A cette époque il était quasiment impossible de faire annuler un tel legs. Joseph est mis en demeure par les tribunaux et en 1748 le prix de vente des biens immobiliers de Jeanne est versé en totalité au curé…
Voici donc évoqués quelques personnages du Laverq, un roman des Arnaud des Clarionds reste à écrire ! Mais réjouissons nous déjà d’avoir la possibilité de donner vie à des noms et des dates, de retrouver les individus dans leur époque. Un peu de curiosité dans nos précieuses archives sur le site amène toujours des découvertes étonnantes.
Contrat de mariage entre Joseph ARNAUD et Anne Marie AMAVET :
https://www.laverq.net/genealogie/actes/contrat-de-mariage-de-arnaud-joseph-avec-amavet-anne-marie/5354/