Les dames de Faucon
Qui étaient ces nobles dames ou damoiselles de Faucon que l’on rencontre tout en haut des arbres généalogiques de nombreuses familles ?
Les archives sont assez riches pour élaborer des arbres généalogiques vertigineux, et retrouver certains de ses ancêtres dans la société Ubayenne du 17ème siècle. Parmi la foule des aïeux, si vous trouvez quelques notables locaux du nom de Jaubert, Gastinel, Pascalis, Caire, Proal, ou autres, il vous faudra identifier des épouses qui se nomment « de Faucon » et parfois noble dame de Faucon ou de Falconis dans les baptêmes en latin. Il sera bien difficile de les situer dans les différentes branches de la famille de Faucon, de trouver leur filiation exacte parmi les lignées qui s’éteignent peu à peu ou se rejoignent par mariage entre cousins, où des prénoms masculins se transmettent de génération en génération.
L’histoire de cette famille De Faucon s’inscrit dans l’Histoire de la Provence et de la Savoie.
Dans la vallée de l’Ubaye, les Faucon apparaissent déjà sur les parchemins du moyen âge, et lors de l’édification de la ville nouvelle de Barcelonnette. Il semble évident, par le nom, de situer le berceau de la famille à Faucon de Barcelonnette, mais au 16ème et 17ème siècle ils habitaient à Jausiers ; au fil des ans et des conflits ils s’étaient constitué un patrimoine immobilier assez conséquent en Ubaye et au-delà. En 1465 les deux frères Claude et Barthélémy de Faucon avaient acquis un tout petit fief: Sainte Marguerite, puis en 1471 un fief plus important : la seigneurie du Sauze. Ils devenaient ainsi des petits seigneurs inféodés à un suzerain, ce qui va leur donner la qualité de noble, très avantageuse pendant les trois siècles suivants, mais aura aussi de lourdes conséquences pour les descendants.
Quel est ce fameux fief du Sauze ?
Non ce n’est pas la charmante station du Sauze, commune d’Enchastrayes si proche de Barcelonnette, Jausiers et Faucon de Barcelonnette où diverses branches de la famille étaient installées et exerçaient des responsabilités militaires, administratives ou ecclésiastiques.
Il s’agit de Sauze dans le val d’Entraunes, département des Alpes-Maritimes, dominant la rive droite du fleuve Var et perché au-dessus de la ville de Guillaumes. Quant à ce Sainte Marguerite, il s’agit d’une petite coseigneurie encore plus loin de l’Ubaye, en descendant le cours du Var, un démembrement du fief de Puget-Théniers.
Sauze est une petite commune bien exposée, autrefois très riche en blé et autres céréales, avec de hautes montagnes pastorales qui confinent aux anciennes frontières de France et de Savoie, permettant de nombreux échanges tous azimuts avec les vallées du Haut Verdon et de l’Ubaye, le comté de Nice et la Provence. Le château de Sauze dominait la haute vallée du Var et le passage des frontières. Au 16ème siècle elle comptait au moins 500 habitants au bourg et des hameaux peuplés.
Les chemins de l’époque ne suivaient pas le Var, trop impétueux, ils serpentaient à flanc de montagne pour rejoindre Fours, passaient le Pas des Muletiers pour aller à la foire de Colmars. Chaque année les sujets de Sauze versaient des redevances, et fournissaient des contributions en blé, lentilles et fromages ; les transhumants payaient leur location d’herbage. Une charte sur parchemin concernant les droits accordés aux habitants et ceux des transhumants est conservée aux archives départementales des Alpes Maritimes, de même que des actes de notaire et des papiers de famille. Notons que la famille seigneuriale des Faucon n’a jamais eu le droit de haute justice sur ses sujets, étant toujours inféodée à plus puissant seigneur, et parfois obligée de partager son fief avec des coseigneurs, suivant les conséquences des guerres ou des successions.
Le château médiéval de Sauze a été démantelé, mais les Faucon possédaient encore au 18ème siècle une « demeure seigneuriale », ce qui a permis la sauvegarde de quelques papiers de famille par les descendants. La maison existe toujours, mais elle est privée.
« Le passé est passé, le présent me tourmente, l’avenir m’épouvante », telle était l’inquiétante devise de l’un des seigneurs de Sauze, qui résume une histoire mouvementée et sanglante.
Dans cette zone frontière les rivalités entre Roi de France et Duc de Savoie faisaient des ravages. Population et seigneurs, ballotés entre les deux, n’avaient pas toujours la chance de se trouver du bon côté au bon moment. Quelques épisodes méritent d’être plus amplement relatés.
Au cours des guerres d’Italie les seigneurs de Sauze subissent les rivalités des coalitions. François 1er confisque le fief de Sauze à Jacques de Faucon, qui lui prête hommage en 1539 pour ses autres terres du Val des Monts, situées au Lauzet, à Meyronnes et Bersezio. Mais dès 1544 il est condamné par le Parlement d’Aix pour félonie, ayant rallié le Duc de Savoie, il est emprisonné, et tous ses biens confisqués. La situation change encore, le Duc retrouve son territoire et Jacques son fief et ses terres après 1550…
Suivent les guerres de religion, tout aussi sanglantes. Un fils, Jean de Faucon, marche sur Colmars avec son armée, une milice paysanne levée sur ses terres; Colmars est déjà tombé une fois aux mains des huguenots, Jean de Faucon a-t-il eu l'intention de renouveler la même incursion ? Ce qui déplait fortement au suzerain des seigneurs de Sauze, le puissant Comte de Beuil, Honoré de Grimaldi, qui bannit les frères de Faucon en 1583…
Tout se complique encore car la vallée change plusieurs fois de souveraineté, cinq fois en 1590. Le 15 décembre 1590 dans le froid et la neige, Jean de Faucon et ses hommes escaladent les remparts de Barcelonnette pour y déloger la troupe laissée par le terrible Lesdiguières après « brûlement » et pillage de la ville, le seigneur de Sauze reprend la ville aux français, il est nommé gouverneur. Ce sera de courte durée, Lesdiguières en personne revient avec sa puissante armée le 19 octobre 1591, ne laissant aucune chance aux défenseurs. Le 21 octobre Jean de Faucon capitule et peut ainsi épargner ses 400 hommes et la population de Barcelonnette. Le Duc est furieux, quand Jean regagne le Piémont il est arrêté et condamné à mort pour lâcheté, il périt sur le billot à Cuneo. Son frère fera 6 ans de prison. Le reste de la famille sauve le patrimoine, mais d’autres calamités s’annoncent.
Le puissant Comte de Beuil auquel les Faucon sont assujettis manifeste beaucoup trop d’indépendance vis-à-vis du Duc de Savoie, et se rapproche du Roi de France. Il s’agit désormais d’Annibal de Grimaldi, orgueilleux seigneur qui assure la défense de Nice pour la Savoie. Il a choisi une devise provocatrice : « je suis le Comte de Beuil et je fais ce que je veux ». En conflit avec le Duc pour ses terres du haut pays Niçois, il dit ne dépendre d’aucun prince, seulement de l’Empire. Le conflit s’envenime, Annibal de Grimaldi et son fils sont condamnés à mort pour haute trahison par le Sénat de Nice en 1621. Le Comte ne reçoit pas l’aide espérée des troupes de Provence et est arrêté. Comme il avait déclaré qu’il préférait être étouffé par les infidèles plutôt que de se soumettre au Duc, il est étranglé sur une chaise par deux esclaves turcs, et son corps exposé à la muraille de son château.
Les 23 fiefs du Comte de Beuil sont alors distribués par le Duc de Savoie, les châteaux sont démantelés et rasés, dont Sauze. Les fidèles du Comte sont également inquiétés. De Faucon (encore un Jean) fait donc allégeance, au Duc de Savoie, en 1622. Le Duc, Roi de Sardaigne, gardera le Val d’Entraunes bien plus longtemps que l’Ubaye. Les De faucon ne seront plus que des petits coseigneurs, inféodés à un seigneur piémontais… Sauze deviendra une communauté de la Maison de Savoie en 1761.
Généalogie :
Le nom des seigneurs de Faucon du Sauze s’éteint avec Charles Claude, mais non la descendance, qui se poursuit avec le mariage de Elisabeth Marie de Faucon en 1801 avec un juriste niçois Charles Philippe Blanchi, qui a permis la conservation des papiers de famille.
Voici quelques dames « De Faucon » à Barcelonnette :
_ Catherine de Faucon, épouse de André Gastinel ; on sait qu’elle est fille de Claude, mais lequel ?
Procuration de Claude sieur du Sauze à son beau-fils André Gastinel en 1585, insérée dans le registre du notaire Allemand : AD04 2E11721
_Lucie de Faucon, épouse de Pierre Pascalis, lui-même décédé en 1602, branche du capitaine Honnoré, gouverneur, qui compte parmi ses descendants les Pascalis de la Chaup et les commandants de la vallée (charge longtemps héréditaire) mais aussi le capitaine qui livre Entraunes aux Français en 1597... à ce jour on ne connait pas le père de Lucie.
_Marguerite épouse Paulon Proal en 1614, son contrat de mariage est conservé (2E11742), parmi ses descendants il y aura de nombreux consuls.
_En 1660 Magdeleine de Faucon épouse Esprit Jaubert, famille des notaires.
On rencontre aussi Lucresse, Anne, Suzanne... dans la famille des notaires Caire. Certaines porteront le nom et le titre de noblesse, comme Isabeau qui épouse son cousin.