Trois frères MILLES
Le partage des biens entre Daniel, Jean et Barthélémy frères Milles.
Le 10 juillet 1639, devant notaire, Jehan Anthoine MILLES fils de feu Jean Marie MILLES émancipe son fils Daniel. Dès le 25 août suivant le notaire est rappelé à Peynier, Jehan Anthoine émancipe alors ses deux autres fils : Jean, le père de Jean Antoine maréchal à forge des Tarroux, et Barthélémy. Puis il fait donation de ses biens en contrepartie d’une pension. Les trois fils règlent ensuite un partage équitable.
Le notaire utilise toujours des formules majestueuses toutes prêtes : Maître Jehan Anthoine est déjà en âge de vieillesse, ses fils lui expliquent humblement que pour eux il est nécessaire, si son bon plaisir est tel, de négocier leur faict à part pour avoir occasion de travailler plus assidûment pour acquérir des biens de ce monde…pour faire et contracter tous actes licites et honestes convenables à gentz de leur condition… Mais nous apprenons que Jean et Barthélémy sont déjà mariés et chargés de famille !
A cette époque l’autorité du père était très forte et l’indépendance totale n’était pas acquise par le mariage, ni même par l’âge de 25 ans lorsque le père était encore en vie, d’où le recours à l’émancipation juridique pour permettre au fils de vendre, acheter, ester en justice ou tester… Il n’était pas rare que des hommes déjà établis soient émancipés.
Les archives en témoignent et dans son ouvrage « La vie en Haute Provence de 1650 à 1850 » Raymond Collier cite des exemples d’hommes affranchis du joug patriarcal à un âge déjà avancé : un avocat, un chirurgien et même un maréchal de campagne aux armées du roi.
Jehan Anthoine prend donc sa retraite le 25 août 1639, on ne sait pas à quel âge, ni quel âge ont ses trois fils. Sa pension de retraite est chiffrée en blé, fromage, huile d’olive,… habit de drap et chemises, 20 charges de bois annuelles… tout est prévu.
L’émancipation et la transmission des biens ne sont pas des actes exceptionnels, plus étonnant est le partage qui suit entre les 3 frères. Les biens meubles ont été répartis, les terres et les bâtiments sont ensuite partagés en trois parts que l’on veut égales. Ce n’est pas la coutume du pays, les ménagers essayaient plutôt de conserver une exploitation viable sans la morceler, en appliquant une sorte de droit d’aînesse, ou du moins en choisissant de transmettre les terres à l’un, des pécules aux autres. Seul un décès sans testament entrainait une dispersion des biens productifs.
Il faut dire que le patrimoine de Jehan Anthoine est conséquent : trois maisons, des près et chenevières, une forge, un moulin. Nos archives commencent en 1638, nous ne savons rien sur l’histoire antérieure de ce patrimoine, sur son origine, ni sur son propriétaire. Quelle est la situation générale de l’Ubaye à cette époque? En 1628 la vallée a été saccagée par le tristement fameux Marquis d’Uxelles : la fin de la sanglante « guerre de trente ans » a été dramatique. La peste de 1630 a décimé des familles entières : dans tous les villages on signale des maisons abandonnées vendues ou même attribuées par les consuls. Pendant les années qui suivent les réquisitions sont incessantes, les impôts très lourds, alors des gens quittent la vallée en laissant le peu de biens qu’ils ont. Il n’y a certainement pas beaucoup d’écus à partager, on constate que l’échange de parcelle de terre remplace les paiements et que tout le monde est redevable d’intérêts. D’où, peut-être, la possibilité et la décision d’installer les trois frères ?
Jean reçoit des terres et le bâtiment contenant maison grange estable et boutique avec toutz les outils et instruments de forge qui se trouvent dedans. Le jeune homme ne l’exploitera pas plus d’une douzaine d’années. En effet on constate qu’il est décédé en 1652, avant sa femme Marthe Hermelin. Une dernière trace de vie pour nous : le 28 octobre 1650, avec son père et son frère Barthélémy il assiste au testament de sa sœur Augustine. Son fils Jean Antoine le remplacera à la forge des Tarroux…
Daniel reçoit aussi maison avec grange et étable, diverses parcelles. Suite à son émancipation il garde ce qu’il avait acquis en travaillant avec son père et reçoit aussi une part sur l’héritage de sa mère Paule CLARIOND. Le 7 juin 1640 il contracte mariage avec Peirone HERMELIN fille d’Antoine et de Marthe ESMIEU et aura une nombreuse descendance.
Barthélémy reçoit une maison au hameau des Tarroux, des terres, un grangeon et un moulin avec tous ses artifices de fer et de bois. En 1646 son fils Dominique, appelé aussi Domenge, se marie à Spérite HERMELIN, qui est une jeune sœur de Peirone, l’épouse de Daniel. Il semblerait que la famille de Barthélémy ait eu moins de chance. Moulin, terres et maison sont revendus. Barthélémy décède avant 1667 et c’est Dominique qui dote sa petite sœur Marguerite, fille d’Honorade LAUGIER