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Un village à reconstruire

Publié par Marie Christine Duval le mardi 14 février 2023

Après le grand incendie de l’automne 1854 le village de Méolans était à reconstruire entièrement.

 Le feu avait détruit 46 maisons sur les 48 existantes et 40 familles se retrouvaient sans abri et sans provisions au début de l’hiver. Dans cette société de l’époque sans assurance ni protection sociale, le drame touchait plus de 200 personnes, dont beaucoup d’enfants.

La commune débloque tous ses fonds pour secourir les sinistrés, mais cela représente peu de chose, de même que l’aide de la préfecture. La cagnotte des paroissiens, assemblés en « fabrique », est insignifiante, d’autant plus que l’année précédente ils avaient financé la construction du clocher sur le rocher. On recevra aussi un « don de l’empereur » pour l’église, aide publique ou générosité personnelle ? la distinction est bien difficile à établir.

Sur l’insistance du préfet le conseil vote la création d’une caisse de secours, qu’elle aurait pu prévoir dès les instructions qu’il avait données en 1852, évidemment cette caisse est vide.

Il faut donc faire appel à la charité.  Des collectes locales s’organisent pour la nourriture et les vêtements. Un article appelant au secours des malheureux habitants paraît dans la presse nationale, appuyé par une gravure de village en ruine. C’est un lecteur de Barcelonnette, resté anonyme, qui a envoyé le texte, le journal l’a fait illustrer.

journal 1854 incendie meolans 2
article du Journal Universel © collection familiale privée

Mais les dons ne suffisent pas, les sinistrés devront reconstruire par leurs propres moyens et il faut des matériaux, notamment du bois et de la chaux.

 Une grande quantité de bois est nécessaire

La commune possède de belles forêts mais elles sont soumises au régime forestier, il faut « supplier » l’administration pour y prélever du bois. La coupe annuelle accordée n’était que de 250 arbres pour l’année, au titre de l’affouage, et non en bois de construction. Le conseil municipal délibère et demande 2200 arbres, mélèzes ou sapins. Or les forêts sont en indivision avec la commune de Revel : depuis plusieurs siècles les bois se partagent en 7 et 5 douzièmes entre les deux villages jumeaux. Le conseil de Revel refuse cette quantité et appose un veto, soulevant la colère et l’indignation de Méolans. S’ensuit alors une demande officielle de procédure pour mettre fin à l’indivision, ce n’est pas la première ni la dernière...

Mille arbres sont obtenus de l’administration forestière dans un premier temps, puis encore mille l’année suivante, à prendre dans divers secteurs, et ce sera au détriment des coupes ordinaires ultérieures, privant aussi les 24 autres hameaux.

En attendant cette coupe spéciale, le conseil municipal obtient le droit de se servir de bois qui avait été coupé par des voleurs et confisqué. Ce sont 40 arbres abandonnés sur place qui pourront servir à fabriquer des abris pour les habitants, à la veille de l’hiver…

C’est tout ce que la commune obtient immédiatement, les retards ne feront que s’accumuler. L’année suivante le maire déplore la lenteur des fournitures : « les arbres sont encore dans la forêt… ». Il faut dire que l’administration disposait d’armes redoutables pour ne pas céder aux suppliques des communes, c’était la non-réponse ou le retard d’exécution. On attendait sans fin que des arbres corrects soient marqués pour la coupe.

cadastre napoleon chef lieu Méolans détail 2
Le plan cadastral des maisons du bourg début 19-ème siècle © archives communales de Méolans-Revel, cadastre napoléonien

Les années suivantes les coupes ordinaires en forêt communale sont strictement réduites, même pour le bois de chauffage, interdites par l'administration forestière dans le secteur des Clarionds, pourtant très éloigné des forêts de la rive gauche de l’Ubaye qui devaient fournir le bois de reconstruction. A cela s’ajoute une interdiction de pacage des bêtes. Tous les hameaux sont privés pendant plusieurs années, la pénurie est vécue comme une nouvelle calamité. Le conseil communal parle de « désolation » en 1858, le conservateur en chef des forêts restera inflexible. Dans une délibération on peut lire cette réflexion toujours d’actualité, à méditer : « Considérant que pour favoriser la génération future, on ne doit pas sacrifier la génération présente… ».

 Il faut aussi de la chaux et du plâtre

Méolans disposait du calcaire nécessaire pour faire de la chaux et du plâtre, mais il faut savoir que les fours destinés à la transformation, appelés « fosses » et pouvant s’adapter pour les deux matériaux, étaient soumis à une autorisation préfectorale très stricte, rarement accordée. Ces règles très restrictives étaient déterminées par la peur du pillage des forêts, vu la quantité de combustible nécessaire, par la crainte des incendies et des nuisances pour le voisinage. D’ailleurs l’installation d’un four pour la construction du clocher avait été refusée et les travaux étaient suspendus, le clocher n’était pas fini en 1854. Le conseil municipal demande une autorisation pour deux fours, en précisant bien qu’ils seront alimentés en majeure partie par les chutes du bois d’œuvre, mais le préfet n’en accorde qu’un.

Meolans carte postale ancienne Ubaye en Cartes
carte postale ancienne Méolans église et clocher © http://ubaye-en-cartes.e-monsite.com/

 La reconstruction s’avère trop laborieuse

Les problèmes se multiplient, les gens sont ruinés et il faut payer les matériaux que le conseil municipal essaye de leur procurer, à très bon prix mais jamais gratuits. Pour l’hiver 1855, le conseil municipal décide de profiter d’une mesure nationale en faveur de l’emploi ; il embauche quelques villageois « valides » pour la réfection des chemins et la reconstruction du toit de l’église, en contrepartie d’une aide partielle de l’état, présentée ainsi : « La cherté des denrées alimentaires de première nécessité qui se fait sentir dans toute la France a vivement ému le cœur tout paternel de notre Auguste Empereur et pour améliorer le sort de la classe pauvre et laborieuse, sa Majesté Impériale a ouvert un crédit spécial de dix millions pour subvention aux travaux d’utilité communale et aux distributions de secours que font les bureaux de bienfaisance... »

Tout le monde ne peut pas se réinstaller, puis le bourg déclinera inexorablement au fil des décennies. De 48 maisons en 1851, on passe à 39 en 1856. L’exode rural touche ensuite les générations suivantes : plus que 35 maisons en 1876 et 24 seulement en 1901. En deux générations on passe de 212 habitants en 1851, à 76 en 1901.

méolans village vers 1960
Méolans vers 1960 © collection familiale privée

 

 

 

 

 

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