Une noce aux Agneliers
André MILLES a 34 ans, il habite tout en haut du vallon du Laverq au hameau des « Viels ». En ce lundi 11 Aout 1761 il va se marier dans l’église des Agneliers, de l’autre côté de la Grande Séolane, coté Uvernet.

Il part avec Jean Baptiste HERMELIN son demi-frère, et deux autres jeunes hommes Antoine REYNAUD et Antoine GILLY ses voisins qui seront témoins. La noce a été bien préparée. Les trois bans ont été publiés à la messe du dimanche. Il vient de se confesser et de communier à l’église du Laverq et en a reçu certificat de Messire LEBRE le vice curé, pour le remettre au curé des Agneliers. Le 25 juillet il était allé jusqu’à Barcelonnette « dans la petite maison » dont dispose le notaire de Méolans, pour signer le contrat de mariage avec sa future belle-famille. Il y était allé avec Jean Baptiste et avec son cousin Jacques COLLOMB le fils d’Etienne qui fut son tuteur.
André va épouser une fille Maurin des Fonts des Agneliers, «font » comme fontaine , belles sources ….

Depuis maintes générations les MAURIN sont installés sous la Séolane aux Agneliers Hauts, non pas dans le village aligné près de l’église, mais plus haut dans le vallon au-dessus. Jeanne Marie sa future a 18 ans.
Il y aura du monde à la noce et une ribambelle d’enfants car ses futurs beaux-parents Elisabeth PELLAT et Dominique MAURIN ont encore des enfants très jeunes, ils ont eu dix enfants. Leur jeune neveu Jean Louis PELLAT sera là, il est témoin. Pas de doute c’est leur neveu à tous les deux, en 1738 on avait célébré le même jour leur mariage et celui de ses parents : un frère et une sœur PELLAT épousaient une sœur et un frère MAURIN…
Aux Agneliers vivent aussi les EBRARD, leurs proches voisins , et un peu plus bas de grandes familles GASTINEL, JAUBERT, BELLON, et bien d’autres… ça fait du monde, surtout en été. Il a même fallu construire deux moulins.
Pour le plaisir, imaginons leur une noce sereine et joyeuse. Peut-être qu’elle ne le fut pas, mais elle aurait pu l’être.
Après la noce Jeanne Marie et André vont aller vivre aux Viels où André est propriétaire, ils sont nés tous deux au plus haut d’une vallée et y resteront toute leur vie, leurs enfants aussi. André a hérité de son père Antoine MILLES à l’âge de 6 ans. Sa mère Suzanne MILLES était restée seule avec ses 3 enfants et « une bourrique, deux vaches, un veau, quatre brebis, six agneaux, quelques outils », quelques terres aussi, chèrement sauvées des créanciers…

De nos jours des milliers de touristes montent et descendent devant l’église des Agneliers. En hiver ils ont des skis aux pieds, en été ils roulent à vélo, en moto, voiture ou même camping-car. Certaines années on y a vu le Tour de France ! Mais personne ne viendra plus frapper à la porte des MAURIN, la maison a disparu. Effacée volontairement du paysage elle sera bien vite rayée de la carte. De l’autre côté de la montagne, les pierres des Viels, devenues le hameau fantôme des Vieux, sont englouties peu à peu, comme toute trace de civilisation disparue.

Marie Christine
Sources : Archives Départementales
- Acte de mariage Uvernet 1MI5/0594 vue 483 sur 821
- Contrat de mariage notaire Méolans 2E12176 folio 519
Photos : Josiane Grilly, Marie Christine Duval, Bernard Tron
Croquis : Nathalie Duval