Une restitution de dot
Anne Martelly est une toute jeune veuve, son beau-père doit lui restituer sa dot
Anne Martelly est devenue veuve en 1736. Son époux Etienne Blanc fils de Jean Antoine est décédé deux ans seulement après leur mariage. C’était un très jeune couple, encore sans enfant, qui était installé chez le père d’Etienne.
Après le décès d’Etienne, Anne ne reste pas avec sa belle-famille et retourne vivre dans la maison de son père Sébastien, à Méolans. Jean Antoine Blanc père d’Etienne doit donc lui rendre sa dot, qui est son bien personnel. Cette question d’argent est traitée devant le notaire Maître Honorat, qui en fait quittance le 2 janvier 1737. L’acte rédigé à cette occasion nous éclaire à divers points de vue sur la façon de régler les affaires familiales à cette époque, c’est un acte assez rare et riche en détails.
Anne Martelly n’est pas présente à l’acte, elle se fait représenter par son père le Sieur Sébastien Martelly fu Antoine. Le terme de Sieur n’est pas attribué à tous les clients du notaire : il indique une certaine position sociale. La dot était coquette pour l’époque, d’une valeur totale de 1350 livres, composée de 600 livres données par son père, 600 livres lui venant de sa défunte mère Marguerite Borel et 150 livres en « meubles », c’est-à-dire son trousseau. Comme cela était usuel à l’époque, les espèces devaient être versées en plusieurs annuités à l’époux encore mineur et son père. Le mari était « seigneur et maître » de la dot et « procureur spécial et général », c’est lui qui administrait les fonds.
Jean Antoine Blanc et Sébastien Martelly vont donc faire le compte des versements d’espèces à restituer et l’inventaire du trousseau à rendre, ce qui semble évident.
Mais plus étonnant, ils commencent par se mettre d’accord sur une somme de 47 livres en faveur des Martelly. Cette somme correspond à « la nourriture de la demoiselle Martely depuis le temps qu’elle est sortie de la maison du dit Jean Antoine Blanc qu’est pour 9 mois et demi jusqu’au 1er avril prochain pour y finir son an viduel ». Le beau-père d’Anne devait nourrir sa belle-fille veuve pendant le délai de viduité d’un an : délai légal pendant lequel la veuve ne peut se remarier afin d’éviter tout conflit de paternité. Mais Anne devait aussi aider dans la maison Blanc, son travail a manqué, alors une compensation a été faite « du travail qu’elle aurait dû faire pendant ledit temps dans la maison du dit Jean Antoine Blanc » … Savant calcul ou fin compromis dont nous n’aurons pas le détail précis…
Le contrat de mariage contenait aussi une clause très fréquente dans le régime dotal choisi par les familles à cette époque, c’est une « donation de survie ». Fréquemment les époux s’accordaient mutuellement une certaine somme en cas de décès de l’un des deux, et généralement le don prévu pour l’épouse survivante était plus important que celui pour l’époux. Anne reçoit 100 livres, Etienne aurait eu droit à 50 livres en cas de décès d’Anne.
Le notaire continue l’acte avec un inventaire détaillé du trousseau qu’Anne a repris avec elle. Il faut faire le compte des 150 livres de biens meubles.
La jeune femme possédait 4 bonnes coiffes, 2 paires de bas, 4 bonnes chemises, 2 tours de col et 2 paires de souliers. L’inventaire contient aussi 2 essuails (mouchoirs ou voiles de veuve?) et 2 bescaires ( ?). Son habit journalier est composé d’un corps (le haut) et d’une robe qui ont été teints en noir, avec un gonelon (jupon) non teint, puis le vieux notaire hésite : une camisole ou un cotillon ? (chemise ou jupon) il n’a pas l’air très expert en matière de lingerie féminine !
Anne a aussi un habit de fête complet que son père lui avait acheté pour son mariage et qui était aussi compté dans « son dot », à l’époque dot était un nom commun masculin.
La jeune veuve gardera les habits nuptiaux et la bague d’or payés par son époux, à la place des « habits lugubres » (vêtements de deuil) que son beau-père devait lui fournir pendant un an. On compte encore 12 livres à Jean Baptiste Blanc pour un tablier neuf et un crespe neuf (un fichu).
Anne est donc retournée chez son père. Elle se remarie avec Jean Ranguis le 9/11/1741 et va vivre avec lui à Champanastais au Lauzet où naitront leurs enfants, suivis d’une grande descendance. A son décès le 26/12/1786 il est indiqué qu’elle a 65 ans. Nous n’avons pas son acte de naissance, serait-elle née vers 1721 ? A-t-elle été veuve à 16 ou 17 ans ? Ses parents s’étaient mariés le 2/09/1714, et elle le 20/10/1734, elle était donc bien jeune la petite Anne pour porter des habits lugubres.
Source: registre AD04 2E 12177 folio 240