Une famille Hermelin à Costebelle
La petite cabane de Costebelle domine le vallon du Laverq, à 1800 mètres d’altitude, on n’y va qu’à pied, par un sentier qui grimpe.
Il y a une vingtaine d’années, elle a été sauvée de la ruine et restaurée par l’Association l’Estive. De nos jours propriété communale, elle reste ouverte et on peut y sortir son casse-croute ou s’y abriter en cas de besoin.

Difficile d’imaginer qu’une famille ait pu y vivre, et pourtant ce fut une ferme familiale, à une époque où la montagne était peuplée. C’était une petite maison d’habitation avec potager, étable et grange à côté, et tout autour des terres labourables conquises avec acharnement sur la pente ensoleillée pour donner du blé et du seigle, en alternance avec du fourrage.

Cette petite ferme figure sur le plus vieux cadastre qui nous soit parvenu, daté de 1702. Pendant les deux siècles suivants elle a appartenu à la famille Hermelin descendante de Philippe, que l’on surnommait tout naturellement les Hermelin Costebelle. Ils possédaient également une maison au Duc, le hameau le plus proche, un peu plus bas, et organisaient leur activité agricole et pastorale sur ces deux résidences, en fonction des saisons. Un grand chemin du Duc au Lambournet permettait une liaison plus facile qu’aujourd’hui, que l’on pouvait poursuivre pour descendre jusqu’à l’Ubaye…

A l’époque de la Révolution les difficultés de toute sorte s’accumulent : aléas climatiques, surcharges financières, mauvaises récoltes. Joseph Hermelin, fils d’Antoine ne peut plus faire face aux charges et s’endette considérablement. Il a épousé Marie Elisabeth Clariond en 1769, à l’âge de 19 ans. Une dot avait été promise, mais encaissée par fractions avec retard, jusqu’en 1785. Son travail supplémentaire chez des propriétaires voisins ne suffit pas au remboursement des dettes, en 1784 il doit céder des terres aux notaires créanciers, et finalement vendre la maison du Duc. En 1790 il la cède à crédit à Antoine Leautier, qui n’est guère plus riche que lui, simplement en meilleure capacité de s’endetter. La famille qui compte 5 enfants de 1 à 19 ans habitera la maison de Costebelle.

Accident ou maladie ?
Le 2 juin 1791 les hommes du Laverq sont à Costebelle au chevet de Joseph alité qui dicte son testament. Selon la coutume, pour ne pas diviser l’exploitation, il lègue les biens qui lui restent à son fils ainé Jean Joseph qui devra un pécule à son frère, une dot à ses 3 sœurs et l’entretien de leur mère Marie Elisabeth Clariond, qui sera leur tutrice. Ayant toute confiance en elle, Joseph ne veut pas d’inventaire légal, elle « rendra compte en conscience » à leur cinq enfants, et éventuellement à un enfant posthume. Le testateur veut lui assurer le logement en ce lieu de Costebelle, où elle disposerait d’un lit et d’un "pot à feu" dans une chambre, recevrait un habillement neuf tous les trois ans et une paire de souliers tous les ans. Il faudra lui réserver chaque année deux charges de blé, de celui produit sur la propriété.
Le 25 juin 1791 Joseph décède, âgé de 41 ans. La petite maison de Costebelle abritera encore ses descendants au siècle suivant. Puis l’activité agricole en montagne s’éteint peu à peu, laissant place à une activité pastorale saisonnière. Les générations suivantes s’installeront vers Seyne les Alpes. La petite ferme ne sera plus qu'une cabane d'alpage.


Le testament de Joseph Hermelin : Archives Départementales des AHP registre 2 E 12231 M17 folio 1 2E12231 M17 001